L’hypothèque légale de la construction
Le domaine de la construction est difficile et risqué : beaucoup d’entreprises peuvent devenir insolvables et devoir fermer boutique après un projet qui a mal tourné.
Dans ce contexte, la loi donne aux entrepreneurs en construction un privilège important, soit la faculté d’inscrire un avis d’hypothèque légale sur l’immeuble. Communément appelé un « lien » dans le milieu, il donne une garantie d’être payé à même l’immeuble en cas de défaut de paiement.
Hypothèque légale : Les avantages
Qu’est-ce qu’on entend par garantie? Beaucoup de gens croient, à tort, que cela leur assure d’être payé le plein montant facturé. En fait, la garantie vise à se prémunir contre l’insolvabilité de la personne qui doit payer, que ce soit l’entrepreneur général ou le propriétaire de l’immeuble. L’hypothèque légale est une créance garantie en matière de faillite et elle est payée avant toute autre hypothèque.
Elle est également très utile pour faire pression et obtenir paiement de la créance. Entre autres, elle empêche le propriétaire de vendre l’immeuble sans au préalable payer les hypothèques légales.
Toutefois, aucune protection n’existe contre la négligence. En d’autres mots, même si l’entrepreneur peut publier son hypothèque sur le titre de l’immeuble, le propriétaire pourra contester la réclamation pour tout motif usuel : malfaçons, retards dans l’échéancier, dommages causés, extras injustifiés, etc.
Qui peut s’en prévaloir?
L’architecte, l’ingénieur, le fournisseur de matériaux, l’ouvrier, l’entrepreneur et le sous-entrepreneur peuvent tous se prévaloir de l’hypothèque légale de la construction.
La condition essentielle est que ces personnes aient participé réellement à la construction et que leurs travaux ont apporté une plus-value à l’immeuble.
La jurisprudence a déterminé que certains entrepreneurs n’ont pas le droit à l’hypothèque légale de construction, entre autres, les urbanistes, architectes paysagers, paysagistes, gérants de projet, designers d’intérieur et les locateurs d’équipement.
Quels travaux sont garantis par une telle hypothèque?
Même si vous êtes une personne à qui la loi permet d’inscrire une hypothèque légale de la construction, il est possible que vous n’y ayez pas droit, totalement ou partiellement. En effet, encore faut-il que vos travaux de construction ou de rénovation aient apporté une plus-value à celui-ci. Cette plus-value n’équivaut pas nécessairement au montant des travaux mais plutôt à la valeur additionnelle donnée à l’immeuble par l’exécution des travaux et la fourniture des matériaux.
De plus, les travaux doivent avoir été « demandés » par le propriétaire. Par conséquent, tout entrepreneur ou professionnel qui n’a pas contracté directement avec celui-ci doit dénoncer par écrit son contrat au propriétaire avant le début des travaux et la livraison des matériaux. À défaut, les matériaux livrés et les travaux effectués avant la dénonciation du contrat ne pourront pas être garantis par l’hypothèque.
Cette dénonciation est justifiée par le droit du propriétaire de connaître les fournisseurs, sous-traitants et autres entrepreneurs intermédiaires, afin de s’assurer qu’ils soient payés et d’éviter la publication d’un avis d’hypothèque légale.
Consultez-nous pour vérifier si vos travaux sont garantis par l’hypothèque légale
Quels immeubles peuvent faire l’objet d’une publication d’hypothèque de construction?
Certains immeubles municipaux et du gouvernement québécois ne peuvent être l’objet d’une hypothèque légale. Chaque cas doit faire l’objet d’une évaluation préalable avant la publication mais, en général, ne sont pas sujets à une hypothèque, par exemple les routes, entrepôts de sel et sable, hôpitaux, écoles, parcs, métros, etc. Cette interdiction peut également s’étendre à certains immeubles de mandataire de l’état comme Hydro-Québec, une société de transport telle la STO, la Place des arts, etc.
Quant aux immeubles du gouvernement canadien, ils bénéficient d’une totale immunité.
Par contre, dans le cadre de projets municipaux et gouvernementaux, l’entrepreneur n’est pas véritablement lésé, dans la mesure où l’organisme public, que ce soit la municipalité ou le gouvernement, est présumé solvable. Il est toutefois primordial de dénoncer son contrat préalablement par écrit à l’organisme propriétaire de l’immeuble. Ainsi, le gestionnaire peut s’assurer que tous les sous-traitants ont été dûment payés avant de payer l’entrepreneur général.
Outre ces exceptions, tous les immeubles sont sujets à l’hypothèque légale de la construction si les autres conditions sont remplies.
Procédure et délais
a) La dénonciation
L’intervenant de la construction qui ne contracte pas directement avec le propriétaire de l’immeuble, par exemple le contrat est intervenu avec l’entrepreneur général, doit dénoncer son contrat par l’envoi d’un avis de dénonciation qui prend la forme d’une simple lettre, mais une preuve de réception est essentielle.
Les éléments suivants devraient toujours être inclus dans la dénonciation :
- le nom des propriétaires de l’immeuble, une recherche de titre peut s’avérer nécessaire pour déterminer qui sont les propriétaires et chacun des propriétaires doit recevoir l’avis de dénonciation, l’envoi à un seul est insuffisant;
- le nom de l’entreprise ou personne donnant l’avis de dénonciation;
- la dénonciation du contrat, avec pour mention qu’elle s’effectue selon les articles du Code civil du Québec concernant l’hypothèque légale de la construction;
- la description des travaux, matériaux ou services de façon à pouvoir en identifier la nature. L’identification de la nature de ceux-ci doit être assez précise, car un manque de clarté pourrait invalider la dénonciation;
- le nom de l’entrepreneur avec lequel il y a un contrat, habituellement l’entrepreneur général;
- la valeur approximative du contrat.
Il est à noter que les travaux supplémentaires de même nature, que l’on qualifie souvent d’extras, ne nécessitent pas toujours de nouvelles dénonciations mais il serait toujours prudent de le faire. Il est également recommandé d’inscrire dans la dénonciation que le prix du contrat est sujet à changement en fonction de possibles travaux supplémentaires.
b) Le délai
L’hypothèque doit être publiée au registre foncier dans les 30 jours de la fin des travaux.
Qu’entend-on par « fin des travaux » ? Deux conditions sont nécessaires :
- tous les travaux sont exécutés. Il n’existe qu’une seule fin des travaux pour l’ensemble du projet de construction. Donc, si vous être un sous-traitant qui êtes intervenu seulement au début de la construction (ex. fondations), la date de fin des travaux ne sera pas la fin de vos travaux, mais bien la fin des travaux de tous les autres intervenants.
- l’immeuble est en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine ou, s’il existe des plans et devis, lorsque l’exécution intégrale du contrat initial est effectuée. Le fait de devoir corriger des déficiences, malfaçons ou remplacer un équipement ne retardent pas la fin des travaux. De même, qu’un contrat prévoit que des sommes ne seront payables que plus tard ou si une retenue sur le prix a été convenue, il y a quand même fin des travaux.
c) L’inscription et la conservation
L’avis d’hypothèque légale de la construction est un document très formel et il ne sera pas accepté au registre foncier si les règles de forme ne sont pas suivies en tout point et il doit être signifié au propriétaire de l’immeuble. Vu le court délai pour procéder à l’inscription, il est important de confier la tâche à un avocat ou un notaire pour éviter de perdre cette garantie.
Dans les 6 mois de la fin des travaux, il est également obligatoire qu’une action en justice soit intentée ou qu’un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire soit publié. À défaut, l’hypothèque s’éteint et peut être radiée. Encore une fois, retenir les services d’un avocat ou notaire est nécessaire.
Dans tous les cas, rappelons que garantie ou pas, l’intervenant de la construction peut toujours s’adresser en justice pour réclamer son dû.
Consultez-nous pour la procédure et les délais d’une hypothèque légale
La radiation d’un avis d’hypothèque légale
Toute hypothèque légale publiée sans droit ou de façon contraire à la procédure prescrite est nulle et peut être radiée à la demande de tout intéressé. Par exemple, si aucune action n’est intentée et publiée ou si aucun préavis d’exercice d’un droit hypothécaire n’a été publié par l’entrepreneur dans les six mois de la fin des travaux, ou encore si les travaux effectués n’ont pas apporté de plus-value à l’immeuble, l’hypothèque légale peut être contestée.
Conclusion
Les règles quant aux hypothèques légales de la construction sont parfois complexes et il est souvent difficile de s’y retrouver. L’intervenant de la construction devrait maîtriser les notions de base afin d’être à même de déterminer quand il doit consulter un avocat. Nous recommandons aux intervenants de la construction de nous consulter :
- avant de débuter les travaux ou de livrer du matériel, quand le contrat n’est pas conclu avec le propriétaire de l’immeuble;
- à la fin des travaux, quand il n’a toujours pas été payé et qu’il a des doutes sur la solvabilité de son débiteur mais en gardant en tête le court délai de 30 jours de la fin des travaux, il faut donc consulter rapidement pour éviter de perdre des droits;