La clôture mitoyenne, ou comment assurer un bon voisinage
Il n’est pas hors du commun que des immeubles soient séparés par un ouvrage mitoyen, que ce soit un mur, une clôture, un fossé ou une haie.
L’ouvrage mitoyen est celui qui sert de séparation entre deux fonds contigus et qui appartient en copropriété aux propriétaires de l’un et de l’autre.
Comme le reste de votre propriété, cet ouvrage mitoyen requiert de l’entretien. Il est très important de connaître vos droits et obligations dans une telle situation. Autrement, un faux pas pourrait vous mener à une chicane de voisins! Et tout avocat vous dira qu’une chicane de voisins, ce n’est vraiment pas la joie!
Heureusement, le Code civil du Québec est très informatif quant aux règles régissant la mitoyenneté. Ce texte en dresse donc les grandes lignes, afin de vous aider à y voir plus clair.
Le droit de clore
Une règle importante du droit de propriété est que tout propriétaire peut clore son terrain à ses frais, comme il le veut. On parle alors du « droit de clore ». Il va de soi que ce droit général est largement limité par la réglementation municipale.
Le propriétaire foncier peut donc décider d’ériger sa clôture, sa haie, son mur à différents endroits :
- chez lui;
- chez lui, mais en rejoignant la ligne séparative;
- sur la ligne séparative;
Celui qui érige un ouvrage destiné à clore son terrain, à une distance appréciable de la ligne séparative, s’expose à ce qu’au fil du temps, la ligne séparative paraisse correspondre à l’endroit où est érigé l’ouvrage. Le voisin ou ses successeurs pourraient en effet prétendre à la propriété de cette parcelle de terrain se trouvant au-delà de l’ouvrage, par le mécanisme de la prescription acquisitive.
Celui qui érige un mur chez lui, à la jonction de la ligne séparative, s’expose à ce que son voisin le force à lui vendre la copropriété du mur et du sol, de façon à ce que le mur devienne mitoyen.
D’autre part, un propriétaire peut obliger son voisin à contribuer, pour la moitié des frais, à l’ouvrage d’une clôture sur la ligne entre les deux propriétés. Par contre, un voisin ne peut pas imposer une clôture qui ne correspond pas à l’usage des lieux ou dont le prix est exorbitant. En cas de désaccord, il faut s’adresser au tribunal afin de déterminer le type de clôture et le partage des coûts avant d’en amorcer la construction. On ne peut donc ériger la clôture et réclamer après coup, et ce, même si une mise en demeure a été envoyée au préalable. Un tel recours est peu pratique : il est fort possible que les frais légaux d’une telle démarche excèdent la moitié des coûts de la clôture!
Notons également que la loi crée une présomption de mitoyenneté pour tout qui se trouve sur la ligne séparative. En conséquence, à défaut par l’un ou l’autre des propriétaires contigus de démontrer qu’il est l’unique propriétaire de la clôture, on conclura qu’il y a mitoyenneté.
La mitoyenneté est une forme de copropriété en indivision
Comme un ouvrage mitoyen appartient aux deux propriétaires, les règles de la copropriété en indivision s’appliquent. Nous vous référons à un article que nous avons rédigé antérieurement, accessible ici.
Toutes les décisions concernant l’ouvrage mitoyen doivent donc être prises conjointement par les copropriétaires. Les décisions concernant le bien mitoyen peuvent, par exemple, porter sur la réparation ou le remplacement de l’ouvrage. En vertu des règles de la copropriété, cela veut dire que les décisions doivent être prises à la majorité. Toutefois, dans le cas d’un ouvrage qui n’appartient qu’à deux personnes, ce qui est la situation la plus courante, les décisions vont devoir être prises à l’unanimité.
Cela peut de toute évidence mener à des impasses, puisqu’une partie peut vouloir procéder aux réparations alors que l’autre ne veut pas. Il ne faut pas oublier que chaque propriétaire est tenu de payer sa part des frais.
Les réparations urgentes peuvent être faites par l’un et être réclamées à l’autre, mais dans la mesure où il y ait véritablement urgence et que la réparation était nécessaire pour conserver l’ouvrage mitoyen. Encore une fois, en cas de désaccord, il n’est pas permis de se faire justice soi-même en procédant à la réparation proposée. Il faut plutôt s’adresser au tribunal au préalable et ce dernier tranchera la question à la lumière de l’ensemble des circonstances.
Quelques particularités propres au mur mitoyen
La loi permet à chaque propriétaire de bâtir contre un mur mitoyen et y placer des poutres et des solives au besoin. Cependant, ceci doit être fait avec l’accord de l’autre partie. En cas de désaccord, celui qui veut construire devra s’adresser au tribunal, lequel devra déterminer comment la construction envisagée pourra nuire le moins possible aux droits de l’autre propriétaire.
Advenant qu’un propriétaire veuille construire par-dessus le mur pour le rendre plus haut, il doit assumer les coûts et payer un sixième du coût en indemnité à l’autre partie. Dans l’éventualité où le mur ne peut pas supporter la construction et qu’il veut quand même l’exhausser, il peut le reconstruire en entier à ses frais. Cependant, la nouvelle épaisseur doit être prise de son côté. La nouvelle partie du mur appartient au propriétaire qui l’a construite. Le voisin qui n’a pas contribué peut toujours acquérir la mitoyenneté plus tard en remboursant la moitié des frais de construction et l’indemnité reçue. Il doit aussi payer la moitié de la valeur du terrain utilisé, dans le cas où le mur a dû être reconstruit plus épais pour soutenir la nouvelle hauteur.
Dans un autre ordre d’idées, le propriétaire qui n’utilise pas le mur mitoyen peut abandonner son droit et se libérer de son obligation de contribuer aux charges, en produisant un avis au Bureau de la publicité des droits, dont une copie doit également être envoyée aux autres propriétaires.
Comment régler un conflit lié à un ouvrage mitoyen?
Les enjeux relatifs aux ouvrages mitoyens sont souvent frustrants, parce qu’ils justifient rarement d’aller devant le tribunal. En effet, de nombreux recours deviennent inutiles, puisqu’ils coûtent plus cher que ce qu’ils rapportent. Il est donc important de favoriser le consensus et les autres modes de règlement de différends, comme la médiation, afin de trouver une solution mutuellement satisfaisante pour les deux propriétaires. Au besoin, une consultation juridique indépendante est également indiquée. Ultimement, gardez en tête que le maintien des bonnes relations entre voisins a également son prix.